À Le Voide, dans le Maine-Et-Loire, le céramiste français Benoît Audureau explore son territoire, à la recherche d’argiles locales, pour encore et toujours expérimenter les révélations multiples des richesses de la terre.
À 14 ans, le jeune Benoît Audureau croise la route des métiers de la terre. De cette rencontre, née sa passion pour la poterie. Le parcours d’apprentissage qui s'ensuit lui permet d’apprendre les gestes techniques, héritage séculaire de l’humanité...
Aujourd’hui, le céramiste nous propose des créations originales, au confluents d’un savoir-faire traditionnel et d’une sobriété contemporaine.
Photos: pH7
L’EXPÉRIMENTATION DE LA MATIÈRE
Au cœur de son atelier niché dans la campagne angevine de Cholet, Benoît Audureau expérimente la matière. Les argiles qu’il a fait le choix d'utiliser sont locales. Souvent, celles-ci proviennent de briqueteries alentour.
Il utilise aussi divers grès, sable et autres terres. L'artiste compose ainsi une savante alchimie qui anime son œuvre. Il s'approprie les différents matériaux en les mélangeant, et en observant les réactions de la substance qu’il travaille.
Outillé de son intuition, l’objectif est de conserver au maximum la nature rustique de la glaise, et d’en dévoiler les richesses. Pour obtenir des émaux originaux aux textures insolites, il ne cesse d'expérimenter les infinies possibilités offertes par cette matière.
Lors de la préparation de la terre qu’il effectue lui -même, il tente de préserver l’argile locale ferrugineuse dans son état le plus initial, afin d’en conserver les propriétés naturelles. C’est une manière d’appréhender le hasard et l'imprévisibilité dans le processus créatif, et d’observer les réactions du matériau.
Fort de son apprentissage technique du métier de potier par son CAP tournage en céramique, et la spécialisation en céramique de son BMA au lycée de la céramique Henry Moisand, à Longchamp (21), il s’appuie sur son attachement à la culture du travail de potier, pour créer un élan créatif contemporain.
L’argile est un matériau particulier dont la pratique requiert une très grande capacité à la remise en question. Le potier céramiste a le goût pour cet exercice, lui permettant de développer une pratique brute et élégante de sa discipline. Chaque création est unique et authentique, tant par le rendu des textures, que par les formes, ou par les procédés techniques employés.
Chaque essai infructueux est une pierre supplémentaire à son œuvre. Là où certains y voient l’échec, Benoît Audureau y voit plutôt l’opportunité d’explorer une nouvelle voie créative.
L'artiste-artisan appose son écriture sensible à la céramique, par le façonnage au tour de potier, l’estampage ou le modelage dans la masse. L’utilisation d’émaux blanc magnésien l’autorise à jouer avec les épaisseurs. La révélation des trésors de la terre et la magie de l’alchimie des émaux opèrent à l’apparition des nuances naturelles à la cuisson à 1270°, au four électrique.
Photo: Anne-Pierre Gaignon
LA NATURE COMME GUIDE
Pour Benoît Audureau, la provenance de la matière première est une source de réflexions permanentes. Ce questionnement sur la notion d’écologie dans son métier, l’a amené à développer une collaboration avec les briquetiers. L’argile qu’il prépare est issue de la production de briques de sa région. Dans la conception de son art, il envisage le processus de sa création, autour de l’origine des matériaux qu’ils utilisent, et les relations humaines qui y sont liées.
L’approche écologique et responsable du métier de potier a été le point de départ de sa décision de rechercher des sources d’approvisionnement en argile, dans un rayon de 100 km maximum autour de l’atelier.
D’autre part, en limitant au maximum l’utilisation de produits chimiques tels que l’oxyde de manganèse et l’oxyde de cobalt dans les émaux qu’ils composent, il inscrit sa démarche dans la recherche d’une technique de fabrication plus respectueuse de l’environnement.
D’autre part, il est investi dans la vie de sa région en transmettant son savoir-faire lors d’ateliers de poterie proposés dans un cadre associatif. A l’image des matériaux qu’il travaille afin d’en révéler la finesse, transmettre sa passion est une autre façon de révéler des trésors de créativité enfouis.
ÉNERGIE CRÉATIVE INTUITIVE
Aujourd’hui, si l’on demande à l’artiste de caractériser son travail, il explique qu’il souhaite conserver au maximum, l’aspect brut des matières, en dévoiler les imperfections, et se laisser guider par son intuition.
A ce jour, il donne du sens à sa production, en expliquant que ses pièces se répartissent en plusieurs catégories. La fonction et l’utilisation quotidienne déterminent la première: petits bols sur pieds, petites assiettes et autres vaisselles pour le quotidien, comme les théières en céramique. D’autres objets auront davantage une fonction purement décorative, telles que les bouteilles et les vases. Réactiver nos sens au contact de ces sculptures, en sublimant la sensorialité d'une pièce artisanale. Enfin, il y a les pièces uniques, proposant des formes et couleurs en osmose, dans un concept très organique.
Benoît Audureau exprime la matière dans toute sa complexité et ses aspérités. En quête d’un esthétisme authentique et sobre, il explore la matière, inlassablement, afin de traduire un monde intérieur, lui donner forme et vie. Les émaux mats qu’il utilise sont des révélateurs d’une beauté naturelle et sensorielle. Les matériaux bruts, sauvages, imparfaits, rustiques aux textures inégales qui l’entourent, sont les apanages de cet alchimiste de la nature. Benoît Audureau, c’est la technicité humble et silencieuse, au service de l’humilité d’une splendeur brute, imparfaite, comme une poésie intérieure.
Texte: Sébastien JANIN
Photos: pH7: Léo Falconnier
Photo: Anne-Pierre Gaignon